QUELLE POLITIQUE D'EMPLOIS POUR CERGY-PONTOISE ?
La question de l'emploi reste la première préoccupation des français. C'est aussi sur notre territoire l'un des plus gros échecs du président sortant de notre agglomération.
Première partie
Du "BLING-BLING" au PLOUF...
Au cours de ses précédents mandats, l'essentiel de l'énergie du maire de Cergy en matière de développement économique a été centrée sur des actions de communication. Il fallait que Cergy-Pontoise possède en effet une "IMAGE" de ville dynamique, branchée, afin de capturer dans ses filets des gros poissons censés être attirés par ce qui brille : des grandes entreprises, voire en cas de pêche espérée miraculeuse : des pointures internationales (merveille, un chef d'entreprise asiatique pose sur la photo d'un des derniers bulletins municipaux)...
D'où le slogan tapageur "Energies Ouest" qui laisse quelque peu perplexe. Le premier mot semble vouloir indiquer que Cergy-Pontoise "ça bou-ou-ouge", comme dans les salles de gym... Et le deuxième terme exprime le secret espoir de récupérer des retombées du pôle économique le plus dense et le plus riche de France à l'ouest parisien, à quelques encablures de là : la Défense. "Energies Ouest" a beau être apposé sur tous les bus et panneaux publicitaires, le slogan (coût de cette opération"communicante" ?) est parfaitement incompréhensible pour l'habitant moyen... Et constitue-t-il l'âppat suprême pour les grosses boîtes que la ville est censée capturer ? Rien n'est moins sûr... Les cergyssois "historiques" se souviennent non sans un ricanement d'une publicité antérieure avec renard sur canapé censé représenter l'intelligence (rusée ?) de l'agglomération qui avait fait... un gros plouf. C'était d'ailleurs à la même époque que Renault avait inventé une voiture en forme de poire... qui était restée à moisir chez les concessionnaires.
La folie des grandeurs
Pourquoi cette obsession de la grosse entreprise qui va sauver la mise de l'emploi de Cergy-Pontoise ? On se souvient de l'arrivée fracassante de Spie-Batignolles - à l'époque la grande rivale de Bouygues - qui avait soi-disant apporté dans la corbeille 3000 emplois. Mais en réalité, il s'agissait du regroupement de 5 sites dispersés en Ile de france... qui représentaient au total 5000 postes de travail. Donc en réalité, pas de quoi pousser de grands cocoricos ni de justifier le tapis rouge qui avait été déroulé à l'époque à grands renforts de subventions publiques : ce n'était pas 3000 créations mais leur déplacement, avec la suppression de 2000 postes au passage au niveau régional. Le résultat immédiat pour les cergyssois a été l'apparition des premiers gros bouchons sur l'autoroute A 15 en début et en fin de journée, car les employés avaient conservé leur logement ailleurs et 3000 usagers supplémentaires, c'était trop pour nos infrastructures routières et ferrovières. Et maintenant, c'est un immense espace privé, sur le plus bel endroit de Cergy, où quelques entreprises se battent en duel dans un magnifique parc vide vide, interdit aux riverains.
On peut aussi se souvenir de l'arrivée triomphale de BP volée sans scrupule à Nanterre, installée dans un superbe immeuble taillé sur mesure puis partie à la cloche de bois après avoir empoché les subventions publiques... Un bâtiment vide devenu ensuite friche industrielle, réhabilité à grands frais après plusieurs années d'abandon pour installer un nouvel hôtel de ville. L'ardoise globale a dû être salée!! Plus loin encore, qui se souvient du géant Gargantua, censé être le clou d'un extraordinaire parc d'"attraction" qui portait le nom magique de MIRAPOLIS... Devenu mirage dans un désert, objet de répulsion quelques semaines après l'ouverture du parc Astérix... On se souvient de l'énorme tête vandalisée qui a dominé de son sourire figé pendant des années les lignes haute tension du plateau désolé de Puiseux, avec quelques restes des stands témoins d'une ancienne spendeur.
(A suivre)
Jacqueline LORTHIOIS
J. LORTHIOIS est socio-économiste, diplômée de Sciences politiques et travaille depuis 40 ans sur les questions d'Emploi, de Travail et d'Insertion. Elle a été notamment conseillère technique au cabinet de Dominique VOYNET (pour monter le programme Emploi/Jeunes qui a créé 35000 postes dans l'environnement, dont 65% d'insertion durable). Elle a ensuite été conseillère technique dans une Délégation interministérielle rattachée à Martine AUBRY, puis Elisabeth GUIGOU, Ministres de l'Emploi. Elle a instruit le programme de développement de l'économie sociale et solidaire de Guy HASCOET, Secrétaire d'Etat à l'Economie Solidaire.
QUELLE POLITIQUE D'EMPLOIS POUR CERGY-PONTOISE ?
La question de l'emploi reste la première préoccupation des français. C'est aussi sur notre territoire l'un des plus gros échecs du président sortant de notre agglomération.
DEUXIEME PARTIE
Une fuite en avant dans la grandeur
Les projets actuels du maire sortant de Cergy ne semblent guère tirer les leçons du passé de la politique "bling bling" décrite dans la première partie. En témoigne la perspective de doublement des 3 Fontaines qui nous pend au nez, porté par le fonds de pension britannique Hammerson qui gère maintenant le centre commercial et entend bien améliorer la rentabilité de ses affaires... Et c'est une fuite en avant dans la "grandeur" : les 3 Fontaines se prennent-elles pour les grandes eaux de Versailles ? On prétend que l'extension correspondrait à des besoins qu'il faudrait satisfaire à tout prix, sous peine de voir s'évader des mannes financières d'habitants vers d'autres territoires mieux achalandés... Il vaudrait mieux s'emparer du projet qu'être volé. Mais c'est oublier que tout voleur finit lui-même par être détroussé à son tour.
Là encore, l'histoire nous a montré qu'on ne saurait mettre deux coqs dans une même basse-cour (fermeture brutale de Super-M quelques semaines après l'arrivée d'Auchan..) ou que les moyens financiers de la population locale (le fameux "indice de richesse vive" "de la zone de chalandise") ne sont pas à la hauteur des apétits des magasins "haut de gamme"... Qu'on se rappelle l'arrivée des grands magasins installés à grands renforts de publicité aux 3 Fontaines qui ont fini par rendre leur tablier : la Samaritaine, puis le BHV... Et plus encore "Habitat" censé être l'enseigne-phare tirant vers le haut le centre commercial Art de Vivre à Eragny... Remplacé par une CAMIF à bout de souffle qui a fermé à son tour. (Est-ce un hasard si Ikéa s'est récemment installé en vallée de Montmorency, avec une population plus nombreuse - 300 000 habitants et plus aisée ???). Tout le monde sait que l'on observe un suréquipement commercial dans le Val d'Oise avec toutes les surfaces dédiées à l'équipement de la maison, à l'habillement, au bricolage... étalées le long de l'axe N14-A15... Et que nos porte-monnaie ne sont pas élastiques. Pas plus que nos estomacs ou que nos penderies ne sont extensibles. Faut-il en remettre une louche au moment où l'on observe une désaffection pour ces usines à vendre, qui s'exprime par un temps de plus en plus court pour faire ses courses : 1h 1/2 autrefois, la moitié aujourd'hui. Et le panier moyen de la ménagère de moins de 50 ans se réduit, faute d'amélioration de notre pouvoir d'achat. Les grandes enseignes avaient déserté Cergy-Pontoise parce que les populations locales étaient d'un niveau trop faible... Croit-on qu'il s'est amélioré ces dernières années avec la politique gouvernementale de gel des salaires et des retraites ?
L'argument "création d'emplois" lié à l'extension des 3 Fontaines est un leurre de plus. Quels emplois, quelle qualité, quelles perspectives de carrière de ce personnel ? Le métier de caissière - pardon, "hôtesse de caisse" est un des plus ingrats qui soit, en tête de liste de ces fameux "travailleurs pauvres"... qui sont d'ailleurs - soit dit en passant - des travailleuses dans 80% des cas. 30 heures maximum, pour rester performante. Donc une paie inférieure au SMIC, pour des conditions de travail particulièrement pénibles ( un espace de travail étroit qui ne dépasse pas le m2... des garde-chiourmes qui surveillent la moindre baisse d'attention... des cadences ultra-rapides, des clients pressés et peu aimables, des horaires de grande amplitude qui obligent des journées à rallonge, une vie hachée, garde d'enfants atypiques, etc.... Pas étonnant que ça ait chauffé dernièrement chez Carrefour, malgré les obstacles mis pour empêcher la grève.
Et à côté de ces 1000 mal-emplois crées, combien supprimés ? Des emplois sur les marchés forains de Pontoise et de Cergy-Saint-Christophe, des petits commerces de proximité qui n'arrivent plus à boucler leurs charges... Et ces emplois-là sont à temps plein, probablement avec des statuts moins précaires, même si le nombre d'heures est bien entendu supérieur... Pour les clients, quelle valeur ajoutée ? Il y a des années que je boycotte les grandes surfaces, pour bénéficier des services des petits commerces : être connue et bien servie, acheter des produits en vrac sans emballage, se faire livrer les courses sans aucun surcoût... J'ai envie de voir vivre la petite place près de chez moi, d'aller à pied chercher mon pain, mon épicerie, mes journaux et mes médicaments.
Quant aux habitants qui feraient leurs courses sur Paris et qu'il s'agirait de faire revenir, ne faudrait-il pas traiter la cause en fermant le robinet plutôt que d'éponger ?? Les évasions quotidiennes de travailleurs de l'agglomération ont explosé ces dernières années, faute d'une quelconque réflexion sur l'équilibre Habitat-Emploi entre les qualifications des actifs et les postes de travail des entreprises qui s'installent... S'il y avait un taux de travail sur place plus grand, la conciliation serait plus facile entre vie privée, vie familiale et vie de travail. Nos routes, nos RER seraient moins encombrés... Nos poumons aussi. Et nous aurions plus de temps pour profiter des services de notre agglomération. Non seulement fréquenter davantage les galeries des 3 Fontaines, mais aussi les équipements sportifs, les cinémas, les restaus, les parcs et les bois ou les bords de l'Oise... Les clients "évadés" sont d'abord des consommateurs contraints qui ne demanderaient pas mieux que de retrouver leur liberté.
(à suivre)
Jacqueline LORTHIOIS
QUELLE POLITIQUE D’EMPLOIS POUR CERGY-PONTOISE ?
La question de l’emploi reste la première préoccupation des français. C’est aussi sur notre territoire l’un des plus gros échecs du président sortant de notre agglomération.
<
[2] Ce nom a été donné par un spécialiste du développement local Hugues de Varine, avec qui j’ai longtemps travaillé.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.